Un rapport publié par le Animal Legal Defense Fund (http://aldf.org/press-room/press-releases/new-study-names-canadas-best-places-to-be-an-animal-abuser-3/) en 2011 classait le Québec au 12e rang sur 13 parmi les provinces et territoires canadiens en ce qui concerne la protection animale. Seul le Nunavut se classait derriÚre le Québec.
L’annĂ©e derniĂšre, en 2013, selon le mĂȘme organisme (http://aldf.org/press-room/press-releases/le-quebec-demeure-la-meilleure-province-pour-maltraiter-un-animal/), le QuĂ©bec Ă©tait toujours au mĂȘme rang, avant-dernier au Canada et dernier des provinces, contrairement Ă d’autres provinces dont le rang avait augmentĂ©, notamment grĂące Ă l’instauration de sanctions plus lourdes (amendes plus sĂ©vĂšres, emprisonnement).
MalgrĂ© ce rĂ©sultat peu glorieux pour le QuĂ©bec, il y a tout de mĂȘme quelques nuances Ă apporter :
Il y a eu des amĂ©liorations relativement rĂ©centes dĂ©montrant une volontĂ© d’amĂ©liorer la condition animale, telles que la loi sur la protection sanitaire des animaux (loi P-42), notamment les sections relatives Ă la sĂ©curitĂ© et au bien-ĂȘtre des animaux. Depuis le 1er avril dernier, le MAPAQ (ministĂšre de l’Agriculture, des PĂȘcheries et de l’Alimentation) a pris en charge les activitĂ©s d’inspection des lieux de garde, d’Ă©levage et de vente. Auparavant, l’organisme Anima QuĂ©bec Ă©tait trĂšs impliquĂ© dans ce volet particulier de la protection animale. Anima QuĂ©bec a depuis rĂ©orientĂ© ses activitĂ©s vers d’autres volets tout aussi importants, dont l’Ă©ducation et l’information de la population sur le sujet de la protection animale.
Il est Ă©vident qu’il a un certain retard au QuĂ©bec au niveau de la lĂ©gislation relative Ă la protection des animaux. Par contre, si l’on prend comme critĂšre de comparaison non pas la lĂ©gislation mais plutĂŽt la volontĂ© de changement chez la population, ce retard n’est peut-ĂȘtre pas si marquĂ©. Plusieurs mouvements de changements juridiques Ă lâĆuvre dĂ©montrent bien quâil y a une prise de conscience grandissante dans la population quant Ă l’importance de bien traiter les animaux.
Ces mouvements sont encouragĂ©s par des exemples Ă©trangers, dont celui de la France, qui fait le plus parler de lui depuis quelques mois : la France a rĂ©cemment modifiĂ© son code civil pour accorder aux animaux le statut, pour lâinstant symbolique, dâĂȘtres sensibles au lieu de biens meubles.
Mais cette nature sensible des animaux est aussi reconnue officiellement au QuĂ©bec: lâOMVQ a publiĂ© le 18 juillet dernier son Ă©noncĂ© de position confirmant sa reconnaissance de la nature sensible des animaux.
On peut lire dans cet Ă©noncĂ© que “âŠles connaissances et les donnĂ©es scientifiques qui guident les mĂ©decins vĂ©tĂ©rinaires dans leur travail et leurs actions auprĂšs des animaux dĂ©montrent que ces derniers sont des ĂȘtres sensibles ayant la capacitĂ© de souffrir et de ressentir des Ă©motions et des sensations comme dĂ©jĂ Ă©noncĂ© dans la position de lâOrdre des MĂ©decins VĂ©tĂ©rinaires
du QuĂ©bec sur le bien‐ĂȘtre des animaux, adoptĂ©e en mars 2009⊔
LâOMVQ conclut son Ă©noncĂ© de position en faisant la “âŠdemande au lĂ©gislateur
de reconnaĂźtre la nature sensible de lâanimal dans le libellĂ© lĂ©gislatif de façon Ă inspirer
les dĂ©cisions et les orientations futures qui seront prises eu Ă©gard Ă la santĂ© et au bien-ĂȘtre
des animaux⊔
Un autre exemple inspirant encore plus rĂ©cent provient de la Belgique, qui sâest dotĂ©e le mois dernier (juillet 2014) de 3 ministres du bien-ĂȘtre animal. Ces ministres ne cumulent pas cette compĂ©tence avec celle de l’agriculture, cette derniĂšre Ă©tant incompatible avec une prise en compte complĂšte des intĂ©rĂȘts des animaux.
Dans les mouvements populaires quĂ©bĂ©cois pour le changement de statut juridique, il y a bien sĂ»r l’incontournable manifeste pour une Ă©volution du statut juridique des animaux dans le Code civil du QuĂ©bec (http://lesanimauxnesontpasdeschoses.ca/), qui a recueilli plusieurs dizaines de milliers de signatures:
“âŠComme la plupart des gens, nous pensons que les animaux ne sont pas des grille-pains. Pourtant, ce nâest pas lâavis de notre Code civil. En effet, du point de vue lĂ©gal, un chien ou une vache ne diffĂšre pas dâun grille-pain ou dâune chaise : ce sont des biens meubles. Le droit quĂ©bĂ©cois assimile donc le fait de blesser ou de maltraiter un animal Ă la dĂ©tĂ©rioration dâun bien. Force est de constater que cette conception est moralement douteuse et quâelle ne correspond pas Ă ce que pense la majoritĂ© des QuĂ©bĂ©cois.
Assimiler les animaux Ă des choses, câest aussi ignorer lâĂ©tat actuel des connaissances scientifiques. La capacitĂ© animale Ă ressentir la douleur fait aujourdâhui lâobjet dâun large consensus, du moins en ce qui concerne les vertĂ©brĂ©s. De façon gĂ©nĂ©rale, plus la recherche progresse, plus nous dĂ©couvrons que les animaux ont des capacitĂ©s cognitives et Ă©motionnelles bien plus complexes que nous ne le pensions â et ceci vaut autant pour les singes, les dauphins ou les chiens que pour les vaches, les rats ou les pigeons.
Si les animaux ne sont pas des choses, câest parce quâils ne sont pas des machines, mais des ĂȘtres sensibles dotĂ©s dâune vie qui leur importe. Il est donc lĂ©gitime de tenir compte de leurs intĂ©rĂȘts et de leur valeur morale lorsque nous prenons des dĂ©cisions qui les concernent.
Nous sommes conscients que notre appel se heurte Ă certaines traditions, Ă la force de lâhabitude et Ă lâidĂ©e que les animaux nâexisteraient que pour servir nos intĂ©rĂȘts. Mais nous croyons aussi que les mentalitĂ©s ont Ă©voluĂ© et quâil serait temps dâentreprendre la rĂ©forme Ă la fois juste et lĂ©gitime qui sâimpose.
Notre province fait dâailleurs particuliĂšrement piĂštre figure en ce qui concerne la protection lĂ©gale des animaux. Le QuĂ©bec se classe en effet au dernier rang des provinces canadiennes en termes de lĂ©gislation relative au bien-ĂȘtre animal.
En 2014, il est devenu urgent de sâaffranchir des catĂ©gories du Code civil et dâaccorder aux animaux un statut distinct de celui des biens meubles, un statut qui prenne acte de leur capacitĂ© Ă ressentir du plaisir et de la douleur, bref, un statut dâĂȘtre sensible⊔
Diverses manifestations ont été organisées pour démontrer la prise de conscience et la volonté populaire en relation avec la nécessité de cette évolution morale de notre société. Une autre marche est prévue dans ce sens le 4 octobre (journée mondiale des animaux) prochain à Montréal.
Quelles vont ĂȘtre les implications de ce changement de statut des animaux de biens meubles vers ĂȘtres sensibles?
Ce changement de statut nâest pas une fin en soi, il sâagit dâun statut symbolique qui ne confĂšre pas de droit ni de protection supplĂ©mentaire en lui-mĂȘme. Ce nâest quâune premiĂšre Ă©tape, un prĂ©alable incontournable pour ce qui va suivre.
LâĂ©tape suivante consistera Ă crĂ©er (ou modifier) des lois sanctionnant les pratiques, aussi bien individuelles quâindustrielles, qui ne respectent pas ce nouveau statut dâĂȘtres sensibles accordĂ© aux animaux et qui compromettent leur bien-ĂȘtre : que ce soit par des particuliers, dans des activitĂ©s industrielles (par exemple les productions animales), ou encore dans des activitĂ©s de
loisirs : un exemple dâactivitĂ© de loisir, qui est loin dâĂȘtre le seul, est celui encore trĂšs rĂ©cent de la course au cochons du festival de Ste-PerpĂ©tue. Cette course aux cochons ne faisait pas partie du festival dâĂ©tĂ© de Ste-PerpĂ©tue dans sa forme antĂ©rieure et elle a Ă©tĂ© introduite plus tard, aprĂšs que lâabattoir local sâĂ©tait impliquĂ© dans le comitĂ© organisateur et avait introduit le thĂšme du cochon dans le festival dâĂ©tĂ© de Ste-PerpĂ©tue. La SPCA sâĂ©tait opposĂ©e dĂšs 1981 Ă cette activitĂ© et avait appelĂ© au boycott, mais sans succĂšs. La reconnaissance du statut d’ĂȘtres sensibles et des lois qui tiennent compte de ce statut permettront d’Ă©viter que de tels abus soient perpĂ©trĂ©s.
Lâobjectif de cette deuxiĂšme Ă©tape serait donc dâaugmenter la sĂ©vĂ©ritĂ© des sanctions, incluant par exemple la durĂ©e de l’interdiction de garde d’animaux (Ă vie, si justifiĂ©), le montant des amendes et les peines d’emprisonnement. L’emprisonnement n’existe pas au niveau de la loi provinciale, mĂȘme d’aprĂšs la loi sur la protection sanitaire des animaux (loi P-42). Par consĂ©quent, cette deuxiĂšme Ă©tape, qui suivrait l’octroi aux animaux du statut symbolique d’ĂȘtres sensibles, passerait par la criminalisation des violations du bien-ĂȘtre animal. Ainsi, de lâĂ©tape prĂ©alable nĂ©cessaire de rĂ©amĂ©nagement du code civil, de juridiction provinciale, il faudra se rendre Ă lâĂ©tape du code criminel, de juridiction fĂ©dĂ©rale, afin dâune part, de renforcer les lois existantes mais pas suffisamment sĂ©vĂšres ou mal appliquĂ©es, ou bien, dâautre part de crĂ©er de nouvelles lois afin de tenir compte de lâĂ©largissement du champ dâapplication du nouveau statut accordĂ© aux animaux. Il existe une initiative dans ce sens lancĂ©e par une dĂ©putĂ©e fĂ©dĂ©rale, madame Isabelle Morin, en parallĂšle Ă lâinitiative du manifeste pour le changement du code civil. Une pĂ©tition devait ĂȘtre prĂ©sentĂ©e Ă la Chambre des communes afin de renforcer le code criminel dans le sens dâune meilleure protection des animaux.
PĂTITION Ă LA CHAMBRE DES COMMUNES
ATTENDU QUE :
âą Les animaux sont des ĂȘtres sensibles, capables de ressentir la douleur, et non des biens;
⹠Les animaux errants et sauvages ne sont pas suffisamment protégés contre la cruauté envers les animaux par les dispositions relatives aux biens du Code criminel;
⹠Il est impératif que ceux qui maltraitent les animaux soient condamnés à des peines conséquentes;
âą La lĂ©gislation prĂ©sente des lacunes permettant Ă ceux qui maltraitent les animaux dâĂ©chapper Ă une condamnation;
Nous demandons au gouvernement du Canada de :
ReconnaĂźtre que les animaux sont des ĂȘtres capables de ressentir la douleur et de placer les dispositions relatives Ă la cruautĂ© envers les animaux hors de la partie du Code criminel consacrĂ©e aux biens; renforcer les dispositions de la lĂ©gislation fĂ©dĂ©rale relative Ă la cruautĂ© envers les animaux afin de combler les lacunes qui permettent Ă ceux qui maltraitent les animaux dâĂ©chapper Ă une condamnation
Il restera finalement une troisiĂšme Ă©tape, nĂ©cessaire afin de garantir une protection plus complĂšte : la mise en place dâorganes ou dâoutils de contrĂŽle et dâapplication des nouvelles lois, un aspect qui est parfois dĂ©ficient et qui a pour rĂ©sultat que les sanctions ne sont pas appliquĂ©es. A cause de cela, les quelques lois de protection des animaux qui existent ne sont pas assez crĂ©dibles, pas suffisamment dissuasives. Parmi les exemples d’outils qui permettraient une meilleure surveillance et une meilleure application des lois pourraient figurer les suivants:
Un moyen qui permet de signaler des mauvais traitements infligĂ©s aux animaux : le gouvernement du QuĂ©bec, par le biais du MAPAQ, a rĂ©cemment crĂ©Ă© une ligne tĂ©lĂ©phonique pour dĂ©noncer les abus dont sont victimes les animaux de compagnie ou d’Ă©levage (le statut des animaux sauvages reste Ă dĂ©terminer et ceux-ci ne semblent pas bĂ©nĂ©ficier d’une quelconque protection contre la maltraitance actuellement, il faudra travailler sur ce point). Les citoyens
peuvent dĂ©sormais composer le 1-844-ANIMAUX pour dĂ©noncer des cas de maltraitance dont seraient victimes des animaux. Les plaintes sont traitĂ©es de façon confidentielle et la ligne tĂ©lĂ©phonique est en fonction 24 heures par jour, 7 jours par semaine. Il est mĂȘme possible de dĂ©poser la plainte au moyen d’un formulaire en ligne sur le site internet du MAPAQ dans la section Plaintes – sĂ©curitĂ© et bien ĂȘtre animal (http://www.mapaq.gouv.qc.ca/fr/Productions/santeanimale/plaintesenmatieredesecuriteetdebienetreanimal/Pages/Porterplainteanimal.aspx).
Des inspecteurs pour mener des enquĂȘtes permettant de donner suite aux signalements de violations des lois de protections des animaux, mais tout cela nĂ©cessite des ressources humaines et matĂ©rielles.
Un systĂšme de surveillance vidĂ©o obligatoire centralisĂ© et accessible par internet pour les activitĂ©s utilisant les animaux, notamment (mais non exclusivement) dans l’industrie de la production animale.
Quelles seront les consĂ©quences pour lâindustrie de la production animale?
C’est une question qui inquiĂšte beaucoup de gens qui ont des intĂ©rĂȘts dans cette industrie. Il est incontestable que la productivitĂ© et le bien-ĂȘtre animal se livrent un combat trĂšs inĂ©gal, souvent au profit de la productivitĂ© malheureusement, malgrĂ© les amĂ©liorations apportĂ©es dans les conditions de vie des animaux de production.
Un article de presse a Ă©tĂ© publiĂ© le 7 aoĂ»t (2014) suite Ă une entrevue avec le ministre de l’Agriculture, des PĂȘcheries et de lâAlimentation, Pierre Paradis. Monsieur Paradis appuie le projet de loi pour le changement du code civil relatif au statut des animaux et il dit mĂȘme “⊠Je veux aller le plus rapidement possible, ça fait partie de mes prioritĂ©s lĂ©gislatives⊔
Monsieur Paradis a Ă©galement Ă©mis un commentaire en relation avec lâimpact de ces changements sur la production animale. Selon le ministre, le projet de loi sur le statut juridique des animaux nâa pas quâun objectif humanitaire, Ă©videmment. Il y a aussi des considĂ©rations Ă©conomiques. Il mentionne quâ “âŠaujourdâhui, Ă partir du moment oĂč tes compĂ©titeurs peuvent dire aux acheteurs que tu ne traites pas bien tes animaux, ils tâĂ©liminent du marchĂ© […] On est en plein dans le cadre dâun traitĂ© de libre-Ă©change avec lâEurope et nous serons affectĂ©s si on ne sâajuste pas…”
Evidemment, pour beaucoup de dĂ©fenseurs des animaux, cette approche ne reprĂ©sente quâun compromis Ă la limite de lâacceptable car il ne permettra pas lâabolition de lâexploitation des animaux dans lâindustrie, un secteur dâactivitĂ© qui est inĂ©vitablement associĂ© Ă de la souffrance chez les animaux, sous diffĂ©rentes formes et Ă des degrĂ©s variables, aux diffĂ©rentes Ă©tapes de la production, de la naissance jusquâĂ lâabattage. Ces changements juridiques auront au mieux comme effet dâattĂ©nuer les souffrances des milliards dâanimaux tuĂ©s chaque annĂ©es par lâindustrie, notamment de la consommation alimentaire, malheureusement la souffrance sous diverses formes est une caractĂ©ristique inhĂ©rente Ă lâindustrie de la production animale, malgrĂ©
les tentatives pour la diminuer. Il reste Ă savoir oĂč placer la barre sĂ©parant ce qui est acceptable de ce qui ne lâest pas dans les souffrances imposĂ©es aux animaux, et câest lâemplacement de cette barre qui est loin de faire lâunanimitĂ©!